“Les Femmes annoncent la Bonne Nouvelle”
écrit de P. Nicholas Bossu, L.C.
« Vite, allez dire aux disciples… » : Les femmes, dès l’aube de la Résurrection, sont envoyées pour annoncer la Bonne Nouvelle. À travers elles, l’ange s’adresse à l’Église de tous les temps, que l’Esprit ne cesse d’envoyer en mission. Nous avons déjà admiré ces femmes au pied de la Croix et devant le tombeau. Nous les contemplons maintenant, toujours aimantes et fidèles, en cette aube de Pâque, qui symbolise si bien notre temps d’attente de la Parousie : un réveil incessant de notre torpeur spirituelle, un élan vers le Seigneur qui vient nous apporter chaque jour la nouveauté inépuisable de sa Présence. Combien de femmes, dans l’histoire de l’Église, ont ainsi été ces vierges sages qui ont maintenu leurs lampes allumées grâce à l’huile de leur amour (cf. Mt 25) ! Saint Pierre Chrysologue, au Vème siècle, décrivait ainsi l’ineffable rencontre avec Jésus :
Ces femmes, Il les trouve déjà parvenues à la maturité de la foi ; elles ont dominé leurs faiblesses et elles se hâtent vers le mystère, elles cherchent le Seigneur avec toute la ferveur de leur foi. Aussi méritent-elles qu’il se donne à elles, lorsqu’il va à leur rencontre et leur dit : Je vous salue, réjouissez-vous. Il les laisse non seulement le toucher, mais le saisir à la mesure de leur amour. Comme nous venons de l’entendre dans la proclamation de l’Évangile : Elles s’approchèrent et, lui saisissant les pieds, elles se prosternèrent devant lui (Mt 28,9). Oui, elles saisissent ses pieds, ces femmes qui, dans l’Église, sont les modèles des messagers de la Bonne Nouvelle. Elles ont mérité cette grâce par l’élan de leur course; elles touchent avec tant de foi les pieds du Sauveur qu’il leur est donné d’embrasser la gloire divine.
Les femmes étaient venues au tombeau pour honorer un mort, pour faire mémoire – c’est le sens du terme grec « μνημεῖον, mnèméion », employé de préférence à « ταφος, taphos », plus habituel pour désigner un tombeau. Et la réponse dépasse leur attente. Elles venaient honorer le passé avec amour, et c’est l’avenir qui s’ouvre à elles. Le Christ ressuscité récompense leur foi en allant lui-même au-devant d’elles, en les saluant et en les laissant lui rendre hommage.
Ces femmes, qui viennent pleurer leur Seigneur, le rencontrent bien vivant, et sont ainsi des icônes vivantes de l’Église, à la recherche de son Seigneur, qui le rencontre sur le chemin, et qui l’annonce aux hommes en leur indiquant où et comment le retrouver. Après les événements de la Passion, que l’Eglise vient de célébrer et qui restent gravés douloureusement dans sa mémoire, la communauté des croyants rencontre le Christ aujourd’hui, dans la foi, pour vivre toute polarisée vers la rencontre définitive qui aura lieu à la fin des temps. Cette dynamique passé-présent-futur dans notre vie chrétienne est bien mise en scène par cette prière de saint Jean Damascène dans la liturgie orthodoxe :
Hier, ô Christ, je partageais ton tombeau,
Aujourd’hui avec toi, je ressuscite.
Hier je partageais ta Croix,
Donne-moi ta Gloire en partage,
Ô Sauveur, dans ton Royaume.
Pour qu’il y ait une véritable rencontre, il faut bien deux personnes qui se cherchent… Nous sommes l’Eglise tendue vers le Seigneur, mais le Christ est aussi tendu vers nous : en invitant les Apôtres à venir le trouver en Galilée, Jésus y convoque son Épouse… Il veut la rencontrer, la fortifier dans la foi, la bénir et l’envoyer par toute la terre. Saint Pierre Chrysologue décrit ainsi l’attitude de Jésus :
Et tandis qu’elles s’en vont, le Seigneur vient à leur rencontre et les salue en disant : Je vous salue, réjouissez-vous. Il avait dit à ses disciples : Ne saluez personne en chemin (Lc 10,4) ; comment se fait-il que sur le chemin il accoure à la rencontre de ces femmes et les salue si joyeusement ? Il n’attend pas d’être reconnu, il ne cherche pas à être identifié, il ne se laisse pas questionner, mais il s’empresse, plein d’élan, vers cette rencontre ; il y court avec ardeur et, en les saluant, il abolit lui-même sa propre prescription. Voilà ce que fait la puissance de l’amour : elle est plus forte que tout, elle déborde tout. En saluant l’Église, c’est lui-même que le Christ salue, car il l’a faite sienne, elle est devenue sa chair, elle est devenue son corps, comme l’atteste l’Apôtre : Il est la Tête du Corps, c’est-à-dire l’Église (Col 1,18).
Nous pouvons prendre une résolution pendant cette octave de Pâques : je laisserai le Christ venir à ma rencontre : en faisant le silence en mon cœur, en laissant de côté toute préoccupation, et en laissant jaillir la source de la joie véritable. Il me suffira de lui dire souvent : « Jésus, j’ai confiance en Toi… Je sais que tu es ressuscité, vivant et présent aujourd’hui ; je t’attends et je t’accueille ». Comment n’aurions-nous pas confiance en Lui, pourquoi ne pas nous laisser rejoindre par son Amour victorieux de la mort ?
Écrivons donc notre nom dans ce groupe des femmes au matin de Pâques ; et surtout plaçons-nous à côté de Marie, la Mère de Jésus, qui nous prend spécialement sous son manteau pendant ces fêtes pascales. Elle nous fait participer à la joie du Royaume des Cieux, elle qui en est la Reine (Regina Caeli).